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Cuir plus cuir

arnaque aux salons ?

L’enseigne “Cuir plus cuir” est installée depuis quelques semaines dans un local commercial à Champagney, dans le canton d’Audeux. Les pratiques commerciales de ce magasin spécialisé dans les salons en cuir font grincer les dents des consommateurs et des marchands de meubles de la région. Enquête.

Comme dans une véritable fourmilière, les vendeurs s’activent. Téléphone portable à l’oreille pour l’un, bon de commande en main pour celui-ci, vifs palabres entre deux autres vendeurs pendant qu’un dernier entreprend des négociations avec un couple de futurs clients.

Devant le magasin, un camion de location est prêt à être chargé de quelque salon en cuir. Pour un mercredi soir, l’ambiance est plutôt agitée dans ce magasin de meubles perdu au milieu des champs, au bout d’un chemin à Champagney.

Cette commune du canton d’Audeux abrite depuis plusieurs semaines dans un hangar privé, les activités commerciales d’une enseigne d’ameublement : “Cuir plus cuir”. Jusque-là, rien d’anormal, si ce ne sont l’empressement et la nervosité apparente des employés.

On ne trouvera nulle part dans les journaux locaux, une quelconque publicité pour cette nouvelle enseigne. Pourtant, on s’y bouscule toutes les fins de semaine, les jours d’ouverture du magasin.

La recette est simple. “Cuir plus cuir” ne pratique que le démarchage téléphonique. La méthode est éprouvée, simple et apparemment efficace. Basée sur le démarchage téléphonique, à coups de cadeaux promotionnels, la technique de vente est construite pour attirer le badaud, l’invitant à venir retirer le cadeau promis au téléphone, cafetière pour madame ou perceuse pour monsieur.

Règle d’or : il est impératif de venir en couple. Une fois le couple sur place, il est pris en charge par un premier vendeur puis un deuxième. Au terme d’une technique de vente très bien rôdée, le bon de commande est sur la table, n’attendant plus que la signature du client.

Seulement, les prix affichés ont de quoi effrayer : plus de 14 000 euros (soit près de 100 000 F) pour ce salon canapé 2 et 3 places en cuir, plus de 12 000 euros pour cet autre ensemble. “Même le plus cher de mes produits n’atteint pas ce prix” commente un professionnel du meuble de Besançon. Le client ne paiera pourtant pas ce prix.

C’est là qu’interviennent dans la discussion d’autres arguments imparables : “d’après votre numéro de cadeau, vous avez encore droit à une réduction de X centaines d’euros”, ou encore “on vous reprend votre ancien salon pour X euros.” Au final, le client a l’impression d’avoir bénéficié d’une réduction vertigineuse. Il paiera son salon aux environs de 5 000 euros.

Certes deux fois moins cher que le prix affiché mais au moins deux fois plus que sa vraie valeur marchande. Quant au salon repris, il finira sa vie derrière le hangar. “Ces derniers temps, ils brûlaient systématiquement tous les canapés qu’ils récupèrent derrière leur hangar. J’ai demandé à la préfecture de leur infliger un avertissement” commente Claude Voidey, le maire de Champagney.

Cette pratique qu’on pourrait assimiler à de la vente forcée est également basée sur la location à bail précaire. C’est ce que les professionnels du meuble ont coutume d’appeler “la politique de la terre brûlée” qui s’appuie sur le principe suivant : des enseignes s’installent à un endroit, sur la base d’un bail précaire, en faisant du battage téléphonique. Puis ils s’en vont au bout de quelques mois après épuisé le terrain.

À Champagney, selon la mairie, le bail commercial a été signé en janvier dernier pour une durée d’un an. D’ailleurs,les ven,deurs ont confirmé qu’ils charchaient “un nouveau local plus grand pour la fin de l’année.”

L’origine des canapés est tout aussi floue. Selon un des vendeurs, ils seraient fabriqués dans le Sud-ouest (la société a son siège dans la région de Bordeaux), d’après la version d’un autre, “les salons sont achetés dans toute l’Europe, notamment en Italie.” Même entre eux, ils ne semblent pas d’accord.

La direction régionale de la consommation, concurrence et répression des fraudes (D.R.C.C.R.F.) assure “être sur ce dossier. C’est le troisième cas porté à notre connaissance dans le Doubs. On relève les éventuelles infractions et on les transmet à la justice. Je pense que ces pratiques seront sanctionnées. Mais le temps que la machine administrative et judiciaire se mette en route, ils auront certainement cessé leurs activités dans le secteur et seront repartis ailleurs” commentent non sans une certaine impuissance les services de la répression des fraudes.

Le grand souci est de trouver la faille dans un système bien huilé et dans le contexte de la liberté du commerce et des prix. L’étiquetage, la qualité des cuirs, tout semble conforme lorsque l’on visite le magasin. C’est bien le paradoxe de ce genre de pratiques qui se situent aux limites de la légalité mais ce qui est sûr, dans la plus parfaite malhonnêteté intellectuelle.

J.-F.H.


Un dossier de 2 pages à lire dans la Presse Bisontine N°50 en vente jusq’au 14 décembre.
Publié le jeudi 25 novembre 2004 à 13h20

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